Daniel EGGLI

En pleine campagne, un camion décharge d’immenses troncs d’arbre sur un chemin. D’une vieille bâtisse sort un homme avec une grosse tronçonneuse. Il va attaquer, directement à même le sol, les troncs pour les découper en sections de 2mètres. Puis chaque bloc va rouler vers l’entrepôt, dévaler trois marches, faisant vibrer le lieu entier avant d’atterrir dans le vaste atelier. Comme au sein d’une forêt, entouré d’une vingtaine d’arbres, Daniel Eggli tourne et se raconte des histoires avant de pouvoir aller chercher les personnages qu’il imagine à l’intérieur des troncs.

Pour libérer ces créatures imaginaires, il entame la découpe. Il dégrossit et amenuise le bois de chêne, de tilleul ou de peuplier, fasciné par son instrument, une scie électrique, par sa vitesse et la dynamique qui se dégage lors de la coupe.Il ne se perd pas dans les détails. Toutes ses sculptures se caractérisent par des contours clairs et réduits et par l’absence de traits individuels. Les visages restent ancrés dans l’abstrait. Il sculpte des femmes et hommes qui sont extraites du monde quotidien : hommes d’affaires, femmes lisant, golfeurs, plongeurs et nageurs, chasseurs à l’affût ou filles debout sur une chaise regardant au loin. C’est vous? C’est nous?!

Ensuite, Daniel Eggli allume un feu dans un grand poêle sur lequel il couche religieusement ses créatures. Cette étape, pendant laquelle la matière sèche et durcit, donne l’image d’un autel qui permettrait à chaque hôte de se trouver une âme. Puis, il affine chaque personnage pour lui donner une attitude et lui insuffler de l’émotion. Craindrait-il que ses créations ne s’enfuient nus ? Daniel Eggli s’empresse de les peindre; il badigeonne de roux les cheveux, teinte de bleu ou de rose les robes. Chaque couleur est simple et symbolique.

Enfin le sculpteur s’assied dans un vieux fauteuil et contemple ses créatures. Il est bien entouré. Leur aspect « brut » dégagent de l’énergie, de la tendresse et de l’amour.